La Conférence Nationale des Directeurs de Centres Hospitaliers en appelle à un sursaut compte tenu de la dégradation du climat qui touche le secteur hospitalier.

Francis SAINT-HUBERT, le Président de la Conférence, explique que depuis des mois, sa conférence n’a de cesse de rappeler la nécessité de favoriser la concorde : « un ciment qui permet la solidarité et garantira la résilience du système de santé, malgré les répercussions multiples et durables de la crise ».

Mais si la Conférence a décidé de lancer aujourd’hui un appel, c’est en raison d’un contexte hospitalier et sociétal qui inquiète. On observe dans les établissements de santé une nette augmentation des incidents, des menaces et des agressions. Ces phénomènes peuvent concerner les équipes elles-mêmes mais aussi les relations avec les usagers et leurs familles mais pas seulement.

La conférence d’estimer : « S’il y a bien un combat qui doit être mené et qui engage tout le monde – professionnels hospitaliers, institutions, usagers, familles, pouvoirs publics, élus, c’est bien celui qui vise à favoriser la sérénité, à valoriser chacun, à préserver de façon claire l’hôpital public de tous les phénomènes de tensions, d’oppositions, de polémiques qui traversent notre société. Comme l’Ecole, il faut tenter de sanctuariser l’hôpital, le préserver autant que possible de ces phénomènes de messages au sein de l’hôpital qui disqualifient certains et font des rapports sociaux un enjeu permanent de batailles plus ou moins violentes, parfois en utilisant largement la messagerie interne ou les réseaux sociaux».

LES VIOLENCES RELATIONNELLES : CHACUN A UN ROLE A JOUER

Au sein de l’hôpital, alors que lors de la première vague, « la solidarité entre les équipes était robuste, désormais, les tensions entre les équipes sont palpables, les déprogrammations induites par la gestion épidémique étant un facteur net de crispation ». Elle note la multiplication de discours qui méprisent de façon plus ou moins systématique certaines catégories d’hospitaliers, dont les personnels administratifs, logistiques, informatiques… Il s’agit de nier leurs fonctions, leur utilité et de considérer que leurs valeurs seraient différentes d’autres catégories de professionnels. «Il y aurait donc une hiérarchie des valeurs qui seraient différentes selon les personnels, une hiérarchie des personnes ? »

Dans certains établissements, les directions sont « mises à mal, dénigrées, parfois menacées, accusées de «ne jamais faire assez, pas assez vite », violemment contestées quand elles relaient les messages nationaux ou des ARS ». Pourtant, « elles aussi, elles sont en première ligne, parvenant, dans bien des cas, à faire l’impossible ». Les Présidents de CME ne sont pas épargnés non plus, de même que les responsables médicaux impliqués dans les instances, comme les chefs de pôles et les chefs de service, mais aussi l’encadrement soignant : « finalement, tous ceux qui ont des responsabilités sont devenus des cibles. Il ne faut pas croire que déstabiliser systématiquement ceux qui acceptent de prendre des responsabilités ne sera pas sans conséquence. Il ne faut pas être naïf non plus : la violence verbale précède souvent d’autres types de violence».

Alors que faire ? « Au-delà de la réponse institutionnelle qui est indispensable, une réponse claire et immédiate est du ressort de chacun. Quel que soit la place qu’on occupe à l’hôpital, qu’on ait ou non des responsabilités, chacun est appelé à rester courtois, respectueux à la fois des institutions et des personnes. Ce sont ça, les vraies valeurs hospitalières ! ».

LES ACTES DE VIOLENCE DE CERTAINS USAGERS

L’exercice hospitalier est également frappé par des comportements certes minoritaires mais bien réels de patients ou de leurs proches qui n’hésitent pas à passer à l’acte soit par des menaces, injures, agressions physiques, utilisation de réseau social. « La régulation des visites aux patients décidées après une large concertation et pour des raisons sanitaires génèrent des réactions inacceptables et complètement disproportionnées ». Et les Directions ne comptent plus les appels téléphoniques et les courriers plus ou moins menaçants et pas seulement du fait du passe sanitaire et de la vaccination anti-COVID.

L’HOPITAL A BESOIN DE SOUTIENS

L’hôpital est indéniablement marqué par la crise épidémique mais la Conférence rappelle que celle-ci n’explique qu’une partie des difficultés de l’hôpital public : celles-ci devront être analysées et tranchées par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, la réalité qui est incontestable est que certains établissements, certains secteurs sont en grande difficulté. Des services sont contraints de réduire leur activité, comme les services d’urgence. Dans les territoires, souvent les plus fragiles (zone économiquement faible, désertification de la population…) et où ces phénomènes sont plus ou moins massifs, «nous tous, les hospitaliers, on a besoin de soutien ! On a besoin de solidarité. Pas d’accusations ! ».

Concernant les accusations, la Conférence fait observer : «la pénurie médicale est à l’origine de grandes tensions hospitalières, à l’intérieur des établissements de santé, comme en ville. Vous comprendrez que les reproches sont difficiles à vivre notamment quand ils sont faits aux médecins hospitaliers, eux qui ont fait le choix d’un exercice public, avec une contrainte liée à la permanence médicale sans commune mesure avec tous les autres acteurs du système de santé. Et ce sont ces équipes médicales qui sont accusées de ne pas en faire plus ? Comme si les conséquences d’une politique de santé nationale poursuivie depuis des décennies pouvaient, par la seule volonté de la direction d’un hôpital et de sa communauté médicale, disparaitre par un coup de baguette magique ».

L’HOPITAL : UN BIEN COLLECTIF SI PRECIEUX

Consciente que les phénomènes de violence concernent la société entière et particulièrement toutes les figures qui représentent les institutions républicaines et l’autorité (les élus, les policiers, les enseignants) et trouvent des moyens d’expression puissants dans leurs effets comme les réseaux sociaux, la CNDCH en appelle à une prise de conscience rapide, à la fois collective et individuelle.
L’implication formidable de toute la communauté hospitalière rendue sans doute plus visible pour la population avec la crise mérite un sursaut. Même si rien ne détournera les hospitaliers de leur mission et de leurs valeurs, les protéger et prévenir toute situation de violence est tout autant un devoir qu’une nécessité. « L’hôpital public est un bien précieux pour la Nation : prenons-en soin à tous les niveaux ! »